Courrier relatif aux Fiançailles et Mariage d’Etienne Soubeyran et Hélène Goguel.
Trouvé et retranscrit par Jean-Jacques LEENHARDT dans la maison familiale de Montélimar, rue du Pêcher.
Courrier original introuvable
20, avenue de Versailles,
ce 9 février 1923
Mon cher Papa
Tu sais que nous sommes au courant depuis le début, Charles et moi, des évènements qui troublent Etienne en ce moment. Je ne t’ai pas encore écrit à ce sujet, n’ayant rien de spécial à t’en dire, mais ce matin Etienne m’est arrivé à la première heure, tellement bouleversé par la lettre qu’il a reçu de toi, que je crois bien faire en venant te parler de lui. Je ne te cache pas qu’au début le projet d’Etienne ne nous a enchantés ni Charles ni moi. Nous lui avons fait valoir toutes les objections que tu lui a (sic) fait valoir toi-même et, s’il avait du (sic) être découragé de ses intentions, il l’aurait certainement été.
Maintenant nous sentons à ce qu’il nous dit et à ce que nous devinons, et aussi à l’état nerveux où il est depuis des semaines, que son projet n’est pas un projet en l’air mais qu’il a été vraiment attiré par cette petite Hélène Goguel que je connais mal, vu son caractère timide, mais dont j’ai entendu dire le plus grand bien, bien avant qu’il soit question de rien. Nous sommes d’ailleurs persuadés que tante Henriette n’est pour rien dans ce projet et, d’autre part, il ne semble pas que les Goguel soient au courant de l’idée d’Etienne. Quant à la jeune fille, elle se doute peut-être – Etienne n’en sait rien – et elle n’a rien manifesté.
Il est indubitable que tout vient d’Etienne seul et que ses sentiments sont nés petit à petit, sans même qu’il s’en rende bien compte et sans être dirigés par personne. Il a été hier soir, sur sa demande à un diner de famille chez les Adrien et a revu la jeune fille au milieu du groupe, simplement pour pouvoir s’affirmer à lui-même son impression. En rentrant chez lui, désirant beaucoup la revoir tranquillement, il t’a écrit, te demandant tout simplement ton assentiment, ne voulant pas aller plus loin avant de l’avoir obtenu. Il n’a pas fair partir sa lettre, ayant reçu la tienne, et ce matin il était desespéré (sic), se demandant si tu le comprends bien alors qu’il a tj (sic) cherché à agir pour le mieux.
Nous avons l’impression que son état nerveux qui influe sur sa santé est trop tendu à présent pour qu’il reste encore longtemps dans l’incertitude. Pour lui, il est décidé et ne demande plus qu’une chose, ton approbation : il m’a parlé très sérieusement ce matin, me disant qu’il ne voulait pour rien au monde te mécontenter, qu’il se demande s’il y a eu un malentendu entre lui et toi et que si vraiment tu y tiens il renoncera à son projet mais sera désolé.
Je ne te parle pas, mon cher Papa, des questions matérielles dont Etienne te tient lui-même au courant. Ce que je veux faire seulement, c’est t’expliquer l’état d’esprit d’Etienne. Il est certain qu’il aime cette jeune fille et qu’elle parait digne de lui : je comprends très bien que tu aies révé pour lui d’un mariage plus brillant étant donné surtout qu’il est encore jeune et a le temps, mais nous nous demandons, ayant suivi Etienne tout cet hiver, si cela ne serait pas pour lui regrettable de renoncer à son sentiment. Je comprends aussi que tu aies aimé qu’il attende pour se décider que tu viennes à Paris, mais vues les circonstances et attendu que la jeune fille ne reste qu’une dizaine de jours ici, cela parait difficile et c’est ce qu’Etienne a peur que tu ne comprennes pas.
Ce que je veux te dire seulement c’est que les sentiments d’Etienne paraissent sincères. Il voulait partir ce soir pour Montélimar afin de causer avec toi ; je lui ai conseillé d’attendre, lui disant que j’allais t’écrire. Tu seras très gentil de lui récrire (sic) tout de suite. Si tu le désires, il viendra à Montélimar immédiatement, content de s’expliquer avec toi car, s’il tient à ses projets, il tient surtout à ne pas te mécontenter.
Nous allons bien tous deux et t’embrassons tendrement.
Suze
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