Deuxième partie :
Un empereur, Grâce de Monaco, Albert Einstein,
le baron Haussmann … et un raton laveur
Il y a un an et demi déjà que le dernier article est paru. C’est juste que le temps passe trop vite. Je veux vous rassurer, je prends toujours beaucoup de plaisir à rechercher et tenter de déchiffrer nos vieilles archives, à vous parler de nos ancêtres et à contextualiser leurs aventures. J’ai en stock beaucoup de documents qui peuvent servir de support. Je n’en suis que le dépositaire et ils sont à la disposition de celles et ceux qui voudraient les étudier et publier un article sur ce site, dont je ne suis, là-aussi, que le modérateur. Je vous embrasse, Lionel
Nous avons conté dans le précédent article consacré à la Confrérie des Barons de Wandenburg les aventures culinaires de la famille d’Etienne Soubeyran, descendant présomptif dudit Baron. Nonobstant, notre questionnement reste entier : Avons-nous vraiment un ancêtre baron et pourrions-nous aujourd’hui prétendre à ce titre de Noblesse ? … et – question subsidiaire – qu’aurions-nous à voir avec le Baron Haussmann, Albert Einstein et Grâce de Monaco ?
Voici donc les réponses à ces légitimes questions :
IL Y A-IL EU UN BARON DE WANDENBOURG ? :
Autant répondre sans plus languir : OUI, sous réserve d’une petite correction orthographique. Il y eut bien un Baron de Wandelburg à Colmar en Alsace, mais avec un L et non un N. Voici son histoire après quelques informations contextuelles :
- Vers 1275 : Colmar et Mulhouse sont des villes libres du Saint-Empire-Romain-Germanique
- En 1347, la République de Mulhouse est créée et son premier Bourgmestre est élu.
- En 1515 est signé le « Traité d’Alliance perpétuelle » avec la Confédération suisse (dont Bâle). Mulhouse et Colmar prennent de-facto du recul avec le Saint-Empire et l’Alsace.
- 1529 : Le culte protestant exclusif (Zwingli) est institué à Mulhouse. Les Catholiques et les Juifs sont chassés de la ville.
Un certain Martin Kriegelstein, marchand de Colmar puis prévôt épiscopal de Strasbourg à Soultzmatt (à 25 kilomètres de Colmar), estimait légitime d’être anobli. Aussi prit-il la plume pour en faire la demande à l’empereur du Saint-Empire-Romain-Germanique Rodolphe II dont Colmar dépendait.
Martin rappelle à Rodolph II que ses ancêtres avait obtenu des lettres d’armoiries et que les jeunes générations servaient sa majesté par leurs charges municipales à Colmar. Il rappelle également qu’il a acheté le château ruiné appelé Wandelburg à Soultzmatt et qu’il l’a restauré. Il demande la faveur d’ajouter à son nom celui du château.
Cette grâce fut accordée et il fut anobli par décret impérial le 13 janvier 1598. En voici la copie, ainsi que la transcription et la traduction par ma tante Nicole (l’épouse de Jacques – n°4/12)
13 janvier 1598
Lettre de noblesse conférée par l’Empereur Rodolphe II
à la famille KRIEGELSTEIN
Traduction de l’Allemand ancien et transcription : Nicole Soubeyran
» Nous, Rodolphe, par la grâce de dieu empereur de l’Empire de Germanie, Hongrie, Bohême, Dalmatie, Croatie et Slavonie, et Roi-Archiduc d’Autriche, Duc de Bourgogne, de Brabant, Styrie, Carinthie, (?…), Luxembourg, Haute et Basse Silésie, Prince de Souabe, Margrave du Saint Empire Romain, (?…), Moravie, haute et basse Lusace, Grave (Landgrave) de Habsbourg, Tyrol, «Pfirt », Kybourg, Görtz, Landgrave d’Alsace, Seigneur de la Marche, de Portenau et de Salins …
Reconnaissons publiquement par cette lettre et portons à la connaissance de tous (…) combien nous, du haut de Notre Grandeur et Dignité d’Empereur par la grâce de Dieu, combien nous sommes portés à considérer favorablement et à faire honneur à tous moments à ceux qui nous servent – simplifié car trop tarabiscoté (NDT).
Ainsi donc, Notre Grace Impériale est portée à honorer et récompenser bien davantage encore ceux dont les parents et ancêtres ont fait preuve également depuis longtemps de vertu et respectabilité parfaites envers nous, le Saint-Empire et la Maison d’Autriche, et les ont parfaitement servis avec le plus grand zèle.
Ainsi, considérant la noblesse de moeurs, la vertu et la raison notre cher et fidèle Martin KRIEGELSTEIN, que l’on nous a vantées maintes fois, ainsi que le zèle parfait de ses ascendants et de lui-même jusqu’à ce jour, en conséquence nous faisons à Martin KRIEGELSTEIN ainsi qu’à tous ses descendants légitimes, hommes et femmes, la grâce de le faire à jamais accéder à l’état de grade de la Noblesse du Saint-Empire et de notre Royaume, et de les élever aux rang et dignité de Chevaliers-Barons (= aptes à participer aux tournois) et de faire partie, dans la société, de la Noblesse.
Considérant que ses ascendants ont aussi mérité d’être de la Noblesse (au sens d’être assimilés à), nous lui accordons, ainsi qu’à ses descendants les armoiries et emblèmes suivants : suit une description de la représentation en couleurs de ces armoiries, laquelle est jointe au document. »
Suit également une description des prérogatives attachées à l’état de Baron, par exemple, prendre part aux chasses, aux tournois, aux campagnes guerrières, aux campements, pique-niques impériaux, etc … en plus de porter dans tous les écrits, traités, actes etc … le nom de von Wandelburg et de se faire appeler ainsi par les autres.
Et Rodolphe en avertit tous les Princes Electeurs, Prélats, Barons, Capitaines, etc … communes … et tous les sujets en général, et exige d’eux que son « fort prisé Martin KRIEGELSTEIN soit considéré comme sus-dit honoré et respecté ».
« Faute de quoi, si quelqu’un fait obstacle à ces privilèges et honneurs conférés à Martin KRIEGELSTEIN, il encourra la disgrâce de l’Empereur et une amende de 50 marks d’or fin »
DES SOUBEYRAN (& Co) SONT-ILS DES DESCENDANTS DE MARTIN KRIEGELSTEIN ? :
OUI, par Hélène BOERINGER, épouse d’Ernest Soubeyran, mère d’Etienne et grand-mère des douze en passant par les familles BIRR, MIEG, DOLLFUS, KOECHLIN, et EHRMANN (Voir le détail de l’arbre généalogique de cette lignée en cliquant ici.).
- Vers 1620, notre lignée émigre quelques années à Bâle, puis vient se fixer à Mulhouse
- 1746 : Création à Mulhouse de la 1ère Manufacture d’Indiennes (tissus) par Samuel KOECHLIN, Jean-Henri DOLLFUS et Jean-Jacques SCHMALTZER
- après 1756 : Jean-Henri DOLLFUS crée DOLLFUS-MIEG et Compagnie qui deviendra DMC, toujours à Mulhouse
- 1798 : Mulhouse vote son rattachement à la République Française
L’EXISTENCE DU CHÂTEAU DE WANDELBURG EST-ELLE ATTESTÉE ET POURRIONS-NOUS Y ORGAISER UNE PROCHAINE COUSINADE ?
OUI, à Soulzmatt-Wintzfelden dans la « Vallée Noble », ainsi dénommée en raison de la présence de nombreuses familles nobles au 16e siècle. On compta jusqu’à sept châteaux, dont seul le Wagenbourg – et non Wandelbourg – subsiste aujourd’hui (d’après le site de la commune). Donc, c’est raté pour une cousinade dans le château de Wandelburg. En revanche, l’Alsace, avec Colmar, Mulhouse, et à proximité Bâle, reste une région d’origine importante de notre famille, et pas seulement par la branche qui nous occupe aujourd’hui.Pourquoi pas, donc, une cousinade sur ce thème ?
POURRIONS-NOUS FAIRE VALOIR CE TITRE DE NOBLESSE ?
NON ; Martin Kriegelstein lui-même n’a jamais fait état de son titre ni de ses prérogatives de noblesse, d’autant qu’il ne laissa que trois filles, juridiquement inaptes à transmettre la noblesse, au moins en France au regard de la loi salique (argutie politique du moyen-age destinée à exclure les filles de la succession monarchique au bénéfice des garçons). Je n’ai pas étudié la position du St-Empire sur la question.
A noter que Martin Kriegelstein avait créé une fondation de bourse pour un descendant, en sorte que depuis sa mort un conseil d’administration, recruté dans sa postérité, géra le capital et attribua la bourse, en essayant de tenir à jour la généalogie des ayants-droit. La fondation Kriegelstein fonctionna jusqu’après la Seconde Guerre mondiale, puis remit en 1973 ses archives à la ville de Colmar. A ma connaissance, personne de notre lignée ne s’est porté candidat.
QUE VIENNENT FAIRE ICI LE BARON HAUSSMANN, LA PRINCESSE GRÂCE DE MONACO ET LE Dr SCHWEITZER ?
Ils descendent, semble-t-il, du grand-père de Simon par diverses branches ; lequel grand-père serait donc un ancêtre commun.
Pour en savoir plus sur l’histoire de la famille Kriegelstein :
http://philippe-burlet.chez-alice.fr/HISTOIREKRIEG.htm
https://www.alsace-histoire.org/netdba/kriegelstein/ (Fédération des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie d’Alsace)