Huit ancêtres racontent

Livret du spectacle donné lors du moment SPI de la cousinade SOUB. 2024

Textes : Lionel
mise en scène : Emmanuelle ;
avec la participation active des membres du COC 2024

Nous étions près de 140 descendants et valeurs ajoutées d’Etienne Soubeyran et Hélène Goguel réunis dans le Poitou du 23 au 25 août 2024 . Comme de tradition, le dimanche matin fut consacré au moment SPI. Le COC 24 (Comité d’Organisation de la Cousinade) avait invité 8 de nos ancêtres choisis parmi les branches Soubeyran et Boeringer, parents d’Etienne, et Goguel et Monod, parents d’Hélène. Par chance, ils ont tous répondu présents. Alors fermez les yeux et visualisez nos huit invités en costume d’époque se levant successivement après que la voix off ait contextualisé leur époque et le lieu des faits. Ils nous racontent alors une anecdote de leur vie, qui parfois résonne avec les nôtres.

An 795 environ – Branche BOERINGER
Le 25 décembre 800, Charlemagne est sacré Empereur à Rome par le pape. Quarante trois ans plus tard, le Traité de Verdun règlera les querelles de succession et jettera les bases d’une royauté à l’ouest et d’un empire à l’Est. Les 3/4 des ancêtres des douze sont originaires de l’Est de la France et seront alternativement gouvernés par un Roi ou un Empereur suivant les mouvements de frontières.

Je suis Rortrude de France et nous sommes aux alentours de l’an de grâce 795 ; vous pouvez m’appeler Rortrude … vous seriez mes descendants me dit-on, enfin peut-être ! Je vous explique : Mon père n’a jamais voulu me marier à un noble du royaume pour des raisons politiques. Je n’ai jamais rien compris à la politique, mais à l’amour, OUI ! Alors je suis devenu la maitresse du Comte Rorgon du Maine, premier du nom, qui m’a donné plusieurs enfants.

La rumeur dit que parmi eux, j’eu une fille, Adaltrude, ancêtre très lointaine d’une certaine Hélène Boeringer, en passant par les ducs d’Aquitaine. Vous voyez où je veux en venir? Alors me demanderez-vous, cette rumeur est-elle vraie ? Ah Ah ! peut-être …! sans doute …! en tout cas, des historiens présentent des éléments sérieux à l’appui de cette hypothèse. Mais je ne vous dirai rien ! J’adore conserver une part de mystère.

Pardon ? Que dites-vous ? Qui étaient mes parents ? Ça, ce n’est pas un secret : Je suis née aux alentours de l’an de grâce 775 et suis fille de Charles de Herstal et de l’une de ses nombreuses épouses, Hildegarde de Bavière. Charles de Herstal, que vous connaissez mieux aujourd’hui par son surnom : Charlemagne.

Vers 1460 – Branche GOGUEL
1407, le Comte de Montbéliard, resté sans descendance mâle, nomme héritière sa petite-fille Henriette et la marie au duc de Würtemberg. Ainsi, Montbéliard et sa Région passent-ils dans le giron du Saint-Empire. Dès 1524, Guillaume Farel y sèmera les graines du Luthéranisme qui prospérera rapidement. La famille Goguel est originaire de la région de Montbéliard où l’on retrouve nombre de ses représentants dans les instances administratives et religieuses.

Je suis Huguenin GOGUEL ; je suis né aux alentours de 1430 à Allondans, tout à coté de Montbéliard. Maintenant que le calme est enfin revenu après tout ce qu’on a vécu avec les écorcheurs pendant la guerre de 100 ans et la peste qui a décimé la ville, j’ai marié mes filles Sébillotte et Catherine avec des cousins, les frères Girard et Jean GOGUEL. Eh oui ! ça reste en famille …

D’après ce que j’ai compris, Sébillote et Girard auront dans bien longtemps comme descendante Hélène GOGUEL, et donc son fils Jacques.

Q u a n t à Catherine et Jean, leur arrière-arrière-petite-fille Suzanne GOGUEL épousera un certain Jean LAGARCE originaire du village de Desandans, tout près de chez nous. Leur descendante, Nicole LAGARCE, épousera au 20ème siècle le ci-devant Jacques SOUBEYRAN. En fait, Nicole et Jacques sont cousins à la quinzième génération. Étonnant, non ?

1598 – Branche BOERINGER
XVI°siècle : l’Alsace appartient à l’Empire-Romain-Germanique. En revanche, dix cités-état, réunies au sein de la « Décapole », se sont affranchies de leurs suzerains et sont directement subordonnées à l’Empereur. Parmi elles, Colmar et Mulhouse. Les tentatives de la noblesse pour mettre fin à cette expérience républicaine échoueront toutes. L’Alsace, et notamment Colmar et Mulhouse, est l’une des sources importantes de nos rivières familiales, et nombre de nos ancêtres ont siégé dans les institutions de ces villes-états.

Bonjour, je suis Martin Kriegelstein et nous sommes en janvier 1598. Je fus longtemps marchand à Colmar, où mon père fut maire. Je suis aujourd’hui prévôt épiscopal de Strasbourg à Soultzmatt, une bourgade à une dizaine de kilomètres de Colmar.

Il y a quelques années, j’y ai acheté et restauré le château de Wandelburg. Je reçois aujourd’hui ce parchemin par lequel l’Empereur Rodolphe 1er, le petit-fils de Charles Quint, m’anoblit. Je suis désormais Baron de Wandelburg et je pourrais me faire appeler Martin Kriegelstein de Wandelburg … Mais je ne le ferai pas ; je ne suis pas attaché aux titres, mais aux protections qu’ils assurent … c’est bien utile à mon époque.

J’ai aussi créé une fondation destinée à octroyer des bourses à mes descendants pour financer leurs études. Il parait qu’elle existe toujours à votre époque ! Ah! Encore une chose ; n’espérez pas organiser une cousinade au château de Wandelburg. Il n’en reste plus une pierre debout !

1621- Branche SOUBEYRAN
Nous sommes à Privas en Vivarais, l’Ardèche actuelle. La Réforme s’y implanta très tôt dans la première moitié du 16ème siècle. L’Edit de Nantes de 1598 en fit l’une des places-fortes protestantes. En 1620, Paule de Chambaud, fille et héritière du seigneur huguenot de Privas épousa un seigneur catholique, ce qui relança localement la guerre civile.

Je m’appelle AbrahamAbraham Soubeyran, et nous sommes en 1621. Je suis âgé d’environ 25 ans. J’ai appris mon métier de tanneur dans les « chauchières » de l’Ouvèze – vous diriez aujourd’hui « tanneries ». L’Ouvèze est une rivière qui coule entre la colline de Privas et celle du hameau de Coux, commune de Chassagnes, où j’habitais. Quand j’étais gamin, je n’avais qu’à dévaler la pente pour me rendre chez mon patron.

En ce jour de 1621, j’ai le coeur lourd … je quitte Privas pour Montélimar, à une bonne journée de marche. J’espère y trouver le calme, loin de la guerre, et je vais tenter d’y faire souche ; mais il me faudra d’abord assurer ma subsistance et me mettre en quête d’une chauchière qui voudra bien m’employer. Elles ne manquent pas à Montélimar.

Je gage que je vais réussir au-delà de mes espérances. Dans 10 ans, je serai patron- tanneur, je me marierai et j’assurerai ma descendance … (ne me remerciez pas, c’est tout naturel). Mais surtout, je serai fait bourgeois de Montélimar en 1634. C’est très important ! Dans ce siècle troublé par les guerres, les pestes et les famines, ma famille et moi ne pourront plus être expulsés hors les murs de la ville. Et ça, c’est rassurant !

1745 – Branche SOUBEYRAN
L’Edit de Nantes, promulgué en 1598 par Henri IV a permis, à Dieulefit comme ailleurs, une cohabitation plus pacifique entre catholiques et les protestants. Mais avant même sa révocation en 1685, la politique discriminatoire de Louis XIV a engendré des persécutions, obligeant de nombreux protestants à pratiquer leur foi en secret. (…) Le premier temple de Dieulefit, comme tous les temples de France sera détruit lors de la Révocation de L’Edit de Nantes (1685). Il faudra attendre 1810 pour que Dieulefit se dote à nouveau d’un Temple.
(Source : Pauline Richon, extrait du blog «la Dieulefitoise»)

Je suis Suzanne Lautier, et nous sommes fin mai 1745 à Dieulefit. Je vous parle au nom de mon mari, Abraham Soubeyran, 3ème du nom. Il aurait tant voulu venir vous voir lui- même, mais il a été arrêté pour « faits de Religion » il y a quelques jours à peine et est retenu dans les prisons du Roi à Grenoble. Vous avez déjà vu, je crois, son arrière-grand-père Abraham, celui qui est né près de Privas.

La situation des protestants est difficile et, pour être tranquilles, notre mariage a été béni l’an dernier par le curé de Montélimar, un peu en douce, dans une chapelle isolée. Nous sommes désormais installés à Dieulefit, dans la maison de mes parents, et … avec eux au 39 rue du Bourg. Les relations sont difficiles et impactent notre couple. Mais pour l’instant, j’ai surtout besoin d’être rassurée sur le sort de mon mari.

Et je reçois enfin des nouvelles d’Abraham : je vous lis le début de sa lettre : « Des prisons royalles de Grenoble, le 27 may 1745 ; Ma chère éspouze, Ayant reçu avec joy vostre lettre et les papiers y joint laquelle m’a fait beaucoup du plaisir et de scavoir lestat de la santé de tous chez nous et principalement de notre enfant qu’y m’a hosté tout le chagrain que jaurais put avoir, espérant qu’avec l’aide de monseigneur mon Dieu sortir dicy … »

Ah oui, je ne vous ai pas dit : notre premier enfant, Pierre-Abraham, avait à peine un mois et demi quand mon mari a été arrêté. Il sera plus tard le fondateur de la branche ainée, la vôtre, et son frère Antoine, qui naitra dans deux ans, celui de la branche cadette.

Bon ! Heureusement, Abraham n’est resté que quelques mois en prison. Il n’a écopé que d’une amende alors que d’autres qui avaient été arrêtés avec lui ont été envoyés aux galères. Plaie d’argent n’est pas mortelle … quand on a les moyens de payer.

1774 – Branche GOGUEL
La situation est globalement bonne à Montbéliard dans les années 1770 ; et bien meilleure que chez ies voisins français. Les récoltes y sont plus productives, les épidémies moins violentes et la famine a quasiment disparu. L’économie est en plein essor à l’image de Frédéric Japy qui lance sa fabrication de montres. La situation religieuse est globalement calme malgré que les catholiques soient victimes de sévères discriminations, la célébration de la messe étant strictement interdite depuis 1538.

Je suis Jacques Frédéric Goguel et nous sommes en l’hôtel de ville de Montbéliard, le 28 décembre 1774.

Je suis tisserand et bonnetier, comme mon père et mes aïeux avant moi. Nous fabriquons et vendons des chapeaux, bonnets et chausses et tous autres articles en tissu. Je suis impliqué dans l’administration de la ville de Montbéliard dont je suis notamment « administrateur de la Police ». Je suis aussi « ancien d’église » ; vous diriez aujourd’hui « conseiller presbytéral ».

Comme président du syndicat des bonnetiers de Montbéliard, je vais signer cet après- midi avec la ville un engagement pour … je vous lis le contrat : « … fournir aux orphelins de l’hôpital autant de laine qu’ils pourront filer pour bas et les tricoter … et … je passe … ah voilà, … sans leur laisser manquer ni les laisser chaumer en ce travail et promet de païer au sieur receveur du dit hôpital douze sols par livre de bas filée et tricotée … » Bien sur, ils pourront aussi gratuitement filer et tricoter des vêtements pour leur propre usage.
Bon, il faut que j’y aille. Je suis très heureux de vous avoir rencontré

1793 – Branche MONOD
Au Danemark, la Loi royale de 1665 transforme la nature du pouvoir : la monarchie élective dominée par la noblesse fait place à une monarchie absolue héréditaire. Le roi détient désormais un réel pouvoir régalien dont il saura user – une fois n’est pas coutume – à bon escient pour le bien du pays. Notamment, il réforme les administrations, abolit le servage et proclame l’égalité de tous devant la loi. Ainsi, le vent révolutionnaire qui soufflera de France dans les année 1790 ne trouvera pas de prise parmi le peuple Danois, nonobstant une francophilie de longue date.

Je suis Louise de Conninck, la fille du riche négociant Jean de Conninck, et nous sommes à Copenhague le 18 janvier 1793. Je me marie aujourd’hui avec le pasteur Jean Monod. Ce qui nous arrive est extraordinaire ! Qui aurait misé une seule couronne danoise sur le mariage d’un jeune pasteur sans expérience ni fortune avec la fille d’un des plus importants négociants européens.

Il y a déjà presque trois ans que Jean Monod visita Copenhague au retour d’un voyage en Russie lorsqu’un violent orage l’amena à frapper à une porte pour demander qu’on lui prêta un parapluie. C’était la nôtre. Mon père l’y accueillit fort bien et nous nous sommes alors rencontrés. Il revint régulièrement nous voir pendant quelques mois puis repartit en France, à ma grande tristesse, mais gardant au fond de moi l’espoir de son retour ainsi qu’il s’y était engagé.

Et en novembre dernier, il est revenu à Copenhague et il a osé demander ma main à mon père … et aujourd’hui, je l’épouse. Dans quelques mois, il sera Pasteur de l’Eglise Française de Copenhague et ce durant 15 ans. Puis nous irons à Paris où il sera Pasteur pendant 27 ans pour la nouvelle Eglise Réformée. Un portrait de lui est d’ailleurs toujours exposé à l’Oratoire de Paris.

Mais je vois arriver notre petit-fils Alfred. Il vous en dira plus.

1850 – Branche MONOD
Au lendemain de l’épopée napoléonienne, la Royauté tentera de reprendre la main durant une trentaine d’années avant d’être définitivement renvoyée en 1848. L’éphémère seconde République ne résistera pas au coup d’Etat de 1852 qui imposera le Second Empire. Il faudra l’aventureuse guerre de 1870, imprudemment déclarée par Napoléon III, pour qu’une fragile troisième République advienne par défaut, avant de s’établir solidement pour près de 70 ans par l’adoption de la Constitution de 1879.

Je suis en effet Alfred Monod et nous sommes à Paris dans la seconde moitié du 19ème siècle. Je suis ce que vous appeleriez à votre époque un hyper-actif. Jugez-en vous même : Avocat au Conseil d’Etat, Président du Consistoire des Eglises Réformées de France, Conseil de la Société Générale des chemins de fer de l’Etat, de la Compagnie Parisienne du Gaz … pour ne citer que mes principales activités. J’ai fini ma carrière comme Conseiller à la cour de cassation.

Pendant la guerre de 1870 contre les Prussiens, j’ai créé avec mon cousin Gabriel une ambulance civile de campagne. Grace à mes relations, j’ai pu la faire subventionner par l’Angleterre. Sous emblème de la Croix-Rouge, nous avons soigné les blessés des deux camps sur plusieurs champs de bataille. Ça m’a valu de recevoir la croix de la Légion d’Honneur.

Avec mon épouse Louise Renard, nous avons eu 9 enfants dont deux filles que vous connaissez sans doute déjà. Renée d’une part, la mère d’Hélène Goguel, et Henriette d’autre part, qui épousera Adrien Soubeyran, l’oncle d’Etienne. C’est elle qui favorisera, oh combien ! la rencontre entre Hélène et Etienne.

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