par Odette LEFEBVRE-Soubeyran
Tout ce qui suit vient du livre que plusieurs d’entre vous connaissent!: «Essai historique et généalogique sur les Soubeyran ou Soubeiran Cévenols et en particulier sur les Soubeyran de Montélimar et Dieulefit» par Louis Soubeyran de Dieulefit.
C’est au Moyen-Age que les surnoms utilisés pour désigner les différentes familles d’un territoire sont devenus des patronymes, c’est-à-dire des noms de famille retenus plus tard officiellement dans les Etats-civils.
Vers le 10ème siècle vivait en Haute-Cévenne une famille surnommée «Soubeyran» ou «Soubeiran». En langue d’Oc, Soubeiran signifie Souverain. Or ces «Soubeiran» n’étaient certes pas des nobles, encore moins des rois ou des souverains régnant sur des peuples. C’étaient des ruraux qui appartenaient au petit peuple, très attachés à leur terre. Sans doute étaient-ils simplement souverains d’une terre, d’une maison, d’une charge peut-être qu’ils possédaient sans contestation en toute propriété.
Ces premiers Soubeiran ou Soubeyran des Hautes Cévennes constitueraient la souche unique des suivants. Mais d’où venaient-ils ?
Nos très lointains ancêtres étaient très probablement de purs Celtes de religion druidique. Repoussés pendant l’antiquité par les invasions successives de Belges, d’Aquitains et de Ligures, ces Celtes s’étaient concentrés dans le centre de la France, région appelée plus tard par les Romains la Gaule Celtique. L’une des tribus gauloises qui serait à l’origine de notre famille résidait en ‘Helvie’, territoire situé dans les vallées reculées ou sur les hauts plateaux des départements modernes de l’Ardèche et de la Haute-Loire et nommé par la suite le Vivarais. On les a appelés des Helviens.
Mais il n’y avait pas d’Astérix chez les Helviens. Au moment de l’invasion romaine, ils n’ont pas suivi Vercingétorix. Ils ont préféré adhérer à la «pax romana» et l’Helvie est devenue, tant par sa langue que par ses mœurs, une terre romaine. Les populations gauloises et romaines se sont mélangées!; les cultes gaulois et romains ont fusionné, évinçant la caste druidique.
Cette terre fut très tôt touchée par le Christianisme. L’un des premiers missionnaires chrétiens fut le sous-diacre Andéol qui parcourut le pays, baptisant et catéchisant les Helviens, avant d’être mis à mort et martyrisé le 1er Mai de l’an 208 sous les yeux de l’empereur Septime Sévère. Ce martyre resta imprimé dans les esprits et les persécutions qui suivirent ne firent qu’affirmer dans sa foi l’Eglise naissante. Celle-ci devint Eglise officielle au 4ème siècle avec l’empereur Constantin et l’Edit de Milan.
A la fin du 4ème siècle, l’empire romain s’est affaibli et n’a pas pu s’opposer aux invasions de barbares venus du Nord en rasant tout sur leur chemin. On a vu défiler successivement les Huns, les Alamans, les Alains, les Vandales, les Wisigoths, les Francs et enfin les Sarrasins arrêtés par Charles Martel à Poitiers en 737. Les populations se sont alors réfugiées dans les montagnes du Haut Vivarais.
L’avènement de Pépin le Bref en 751 apporta enfin à nos ancêtres la tranquillité dont ils avaient besoin. Très attachés à leur terre, ils ont très probablement appartenu à la classe des petits propriétaires ou des hommes libres durant le haut Moyen-Age. Mais la féodalité qui s’est développée à partir du 9éme siècle a changé la donne sociale. A une époque où la possession de la terre était une réelle source de pouvoir politique, les barons féodaux ont instauré la vassalité.
Vu leur nom, nos ancêtres seraient devenus des ‘serfs de la glèbe’ ou des ‘vilains’ et appartenaient à une seigneurie. Les ‘serfs de la glèbe’ étaient libres de leur personne, mais ils devaient payer de nombreuses indemnités à leur seigneur et leur sort était lié à celui de leur terre. Les ‘vilains’ étaient plus libres, mais ils payaient aussi beaucoup d’impôts et devaient s’acquitter de diverses corvées ou travaux pénibles. Cette situation a duré 4 ou 5 siècles.
Les Soubeyran seraient venus se fixer dans la région privadoise vers la fin du 15ème siècle ou au début du 16ème siècle. Ils étaient alors agriculteurs, artisans ou commerçants, ont prospéré et se sont multipliés. Aux environs de 1540-1560, ils étaient déjà sortis de l’Eglise catholique romaine. On peut penser qu’ils ont embrassé la Réforme dès son apparition dans la région de Privas (entre 1534 et 1560). Les premières guerres de religions sont venues à nouveau troubler la région et, après le siège et la prise de Privas par Louis XIII en 1629, les Soubeyran, pourtant si nombreux auparavant, ont pratiquement disparu de Privas.
De fait, il est presque impossible de connaître avec certitude l’histoire exacte des familles modestes de cette époque. Il faut arriver à la fin du 16ème siècle pour avoir quelque chance d’y parvenir. C’est ce que nous allons pouvoir faire dans ce qui suit.
Notre ancêtre Abraham Soubeyran est le premier auquel nous puissions remonter d’une façon certaine. Il faut savoir qu’à l’origine de notre Réforme française, les prénoms bibliques donnés aux enfants attestaient de l’attachement au protestantisme.
Il est né à Chassagne «près de Privas en Vivarais» vers 1590-1600.
En 1621, il vint s’installer à Montélimar, fort heureusement avant la catastrophe que furent pour Privas et ses environs le siège et la prise de Privas par Louis XIII en 1629, mais malheureusement au moment d’une épidémie de peste qui fit des ravages à Montélimar. (voir sa Lettre d’habitation en archives)
Il y était tanneur et exploitait ses tanneries. Son industrie consistait à acheter des peaux de mouton ou de bœufs et à les préparer pour les revendre aux cordonniers ou autres corps de métier utilisateurs de cuir. Ses affaires prospérèrent assez vite.
En 1633, il épousa au temple de Montélimar Sébastienne Béraud, une jeune Montilienne d’origine cévenole comme lui. Ils eurent 4 enfants dont 2 eurent une postérité :
- Mathieu Soubeyran branche vite éteinte
- Barthélémy Soubeyran, notre aïeul.
Né à Montélimar vers 1641, il y fut tanneur comme son père et son frère, lui- même installé à son compte. Il exploitait les tanneries de son père, travaillait avec lui à la préparation et au traitement des cuirs qu’il allait vendre lui-même aux cordonniers, parfois assez loin de Montélimar.
Il s’est marié au temple de Montélimar en 1671 avec Anne Sablon appartenant à une famille de notaires montiliens. A la veille d’être dispersée par l’orage terrible qui allait fondre quelques années plus tard sur l’Eglise réformée de Montélimar, toute la meilleure société protestante de Montélimar a assisté au mariage.
Mort en 1679, il n’a pas été témoin de la grande persécution, mais il a vu la « religion permise par l’édit de Nantes« , devenir la « religion prétendue réformée«
En 1685, la révocation de l’Edit de Nantes anéantit pour de longues années la malheureuse Eglise réformée de Montélimar et il faudra attendre plus de cent ans pour voir, en 1788, bénir au ‘désert’ le mariage de l’arrière-petit-fils de Barthélémy.
Il eut 4 enfants dont l’aîné seulement (Abraham) eut une postérité.
Né à Montélimar en 1672, il fut baptisé au temple de Montélimar.
Orphelin de père à 7 ans, il dut assez tôt se mettre au travail pour soulager sa mère. Comme son père et son grand-père, il a exploité seul sa propre tannerie et visitait sa clientèle autour de Montélimar.
Il épousa en 1702 à Dieulefit Isabeau Morin, une jeune fille de Dieulefit, mais installa son foyer à Montélimar. Ils eurent 8 enfants dont 4 eurent une descendance :
- Anne
- Abraham (III) notre aïeul
- Izabeau
- Antoine
Il mourut en 1754. La ‘sépulture ecclésiastique’ lui fut refusée par le prêtre « pour n’avoir pas voulu accomplir son devoir de catholique »
Né à Montélimar en 1707, il fut baptisé par le vicaire du curé de Montélimar.
Tanneur comme ses prédécesseurs, il épousa en 1744 Suzanne Lautier, la fille d’un maître tanneur de Dieulefit. Le mariage fut béni par le curé de Montélimar.
Après son mariage, il quitta Montélimar, s’installa à Dieulefit dans la maison de ses beaux-parents et s’associa à son beau-père pour exploiter avec lui sa tannerie.
En 1745 il fut arrêté pour fait de religion en même temps qu’un grand nombre de protestants de Montélimar. Plusieurs d’entre eux furent condamnés à la pendaison, aux galères ou au bannissement. Lui-même fit presque un an de prison. (voir son jugement)
Mort en 1761, il refusa les sacrements de l’Eglise. Il eut 4 enfants dont 2 eurent une postérité :
- Pierre-Abraham (IV) notre aïeul (branche aînée)
- Antoine (branche cadette)
Né à Dieulefit en 1745, il y fut baptisé par le curé de Dieulefit.
Il continua l’industrie de la tannerie dans les mêmes locaux que son père. A 21 ans, il fut élu comme notable, membre du Conseil de ville de Dieulefit dont il a fait partie jusqu’en 1796.
En 1768, il épousa Elisabeth Brachet, une jeune fille de Dieulefit, presque une enfant (14 ans), fille d’un fabricant de laine. Le mariage fut béni par un pasteur au désert, en même temps que celui de sa mère devenue veuve avec son beau-père, lui-même veuf.
Il a participé activement aux péripéties politiques de la période révolutionnaire jusqu’en 1790.
Il mourut à Dieulefit en 1801.
Il eut 12 enfants dont 5 eurent une postérité!:
- Suzanne
- Elizabeth
- Daniel-Abraham (V), notre aïeul
- Anne
- Louise-Magdeleine
Né à Dieulefit en 1780, il fut baptisé par un pasteur au désert.
Il épousa en 1814 Adèle Chante, une jeune fille de Nyons, fille d’un avocat et notaire à Vallon. Il abandonna l’industrie de la tannerie pour s’occuper du commerce et du travail des soies.
Au début du 19ème siècle, il prit une part active à la réorganisation de l’Eglise réformée de Dieulefit. Il fut également nommé au Conseil municipal de Dieulefit en 1813 et y resta jusqu’en 1846.
Mort en 1847, il eut 5 enfants dont 3 eurent une postérité :
- Antoine Adrien
- Auguste notre aïeul
- Pauline Elisa
Né à Dieulefit en 1821, il y mourut en 1903.
Il fonda et dirigea avec son frère aîné la banque « Soubeyran frères » qu’ils avaient fondée à Montélimar, mais tandis que son frère se fixait à Montélimar, il resta à Dieulefit.
Il épousa en 1856 Octavie Mallet, une jeune fille née à Dieulefit et eu 3 enfants dont 2 eurent une postérité :
- Adrien Hubert Abraham, mes cousins ‘Soubeyran’ de Versailles,
- Louis Ernest grand-papa
Né à Dieulefit en 1858, il devint banquier à Montélimar où il mourut en 1939.
Il épousa en 1895 Hélène Boeringer, une jeune mulhousienne et eut 4 enfants dont 3 eurent une postérité :
- Suzane, mes cousins Dollfuss
- Etienne Auguste Alfred
- Francine, mes cousins Leenhardt
Né à Montélimar en 1900, il épousa en 1923 Hélène Goguel, une jeune sedanaise (ma maman) et mourut à Paris en 1981.
Il eut 12 enfants dont 10 ont une postérité.
- Robert
- Ginette
- Daniel
- Jacques
- Michel
- Odette
- Denise
- Claudine
- Yves
Ce petit ruisseau «Soubeyran» qui vient de si loin a été rejoint et enrichi par mille autres petits ruisseaux. Tous ensemble, ils ont fait ce que nous sommes aujourd’hui.
Ainsi va la vie.
Merci papa et grand-grand-grand-(…combien?)-grand papa d’avoir écris et rendu visible ces lignes! 🙂
Juste une précision sur notre lien avec Louis Soubeyran, le chercheur des origines de notre famille. Il n’était pas notre grand-grand-…-père, mais un cousin très éloigné de la branche cadette, alors que nous descendons de la branche ainée.
Le-dit ainé est Pierre-Abraham (1745-1801) et le cadet Antoine (1747-1798), tous deux fils d’Abraham(III) S. et Suzanne Lautier qui ont vécu dans la première moitié du 18ème siècle. Les contemporains des 2 branches, Ernest Soubeyran (le père d’Etienne) et Louis Soubeyran sont donc cousins à la 4ème génération.
Cela n’enlève rien à la qualité des travaux de Louis Soubeyran qui a travaillé sur toutes les branches Soubeyran et alliées. Songeons qu’il se rendait en bus à Privas pour consulter les archives et qu’il correspondait uniquement par courrier et sans doute par téléphone. Aujourd’hui, nous faisons le tour de France des archives en quelques clics.
L’excellente synthèse ci-dessus a été réalisée par Odette à l’occasion d’une cousinade.
C’est avec une petite émotion que je suis tombée un peu par hasard ces gentils hommages au travail de Louis Soubeyran. Depuis un an je travaille à mieux le connaître et je confirme son livre est remarquable dans le contexte de l’époque et « dans l’absolu »….
Laurence Rochas Chabauty petite fille de Louis Soubeyran
Ps je peux fournir un index amélioré
Bonjour,
C’est Marie-Annick (fille d’Aude Soubeyran, arrière petite fille de Adrien), c’est tellement étrange pour moi de lire ici tous ces noms qui me sont très familiers parce que ma mère m’en a souvent parler : Dolfuss, Goguel, Leenhardt. Autrefois tous les cousins éloignés restaient néanmoins très proches!
Je ne peux m’empêcher d’avoir une certaine nostalgie pour cette époque que je n’ai pas connue, où sans les médias et internet les liens sociaux et familiaux étaient tellement plus forts, en tous cas chez les protestants!
Amicales salutations depuis Bordeaux!
Bonjour,
Je me suis lancé dans un arbre généalogique voilà maintenant plus de 10 ans. J’ai trouvé sur ce blog une mine d’informations sur l’histoire de mon arrière grand oncle. Ma grand mère (Renée Soubeyran, fille d’André Soubeyran) m’avait déjà beaucoup parlé de son histoire familiale.
Amicalement
Jérôme Frasseto